«La Sieste du Corbeau» en avant-première: les guérisseurs dans le collimateur du réalisateur Moez Kamoun

La saison cinématographique en Tunisie s’est ouverte sur une nouvelle fiction « La Sieste du Corbeau », d’après un scénario et une réalisation de Moez Kamoun, projetée en première, vendredi soir au Cinéma le colisée, à Tunis. En présence de toute l’équipe, -réalisateur, acteur et techniciens-, ce long-métrage du genre drame produit par « Sindbad production » a été présenté, simultanément à la presse et au grand public du 7ème art, venu en masse.

Pour 88 minutes, Moez Kamoun embarque le spectateur dans son univers de réalisateur qui aime voir ses personnages s’aventurer sur des terrains inconnus. Le film soulève le phénomène des guérisseurs et le charlatanisme très répandu, avec de plus en plus d’adeptes dans la société tunisienne.

Dans « La Sieste du Corbeau », le réalisateur met ce phénomène sous le collimateur à travers l’histoire d’un couple Fatma (Souhir ben Amara) et Ibrahim (Foued Litaiem) acculé à gérer un restaurant en plein désert après avoir perdu son restaurant dans la Capitale.

Tout commence par une nuit pluvieuse où Ibrahim, parieur endetté, perd tout et écopera de deux ans de prison. Sa femme se retrouvera ainsi confrontée aux difficultés de la vie après avoir été dépouillée du confort dont elle jouissait, restaurant et maison. Elle sera contrainte à arpenter les rues à la recherche d’un emploi et réussira enfin à trouver un boulot dans un petit restaurant et à se faire loger chez un ami, Jamil (Fethi Akkari) qui devra accompagner le couple dans leur périple.

Une situation qui s’avère ne pas convenir aux aspirations de la jeune femme. Son mari lui demande alors de trouver un accord pour payer ses dettes auprès de son ami (Ali Khemiri) qui n’est que l’ex amant de sa femme. Demandant son aide pour s’en sortir, l’homme ne lui refuse rien. Cependant, pour l’aider, il conclut avec elle un accord selon lequel le couple devra s’installer dans un coin perdu au milieu du désert pour gérer un restaurant.

Aussitôt Ibrahim sorti de prison, le couple part pour un périple dans le Sud tunisien. Leur aventure commence par la station de bus qui devra les mener vers leur destination. L’aventure s’annonce dure avec ces images du désert et la nature hostile faite de dunes et de poussières et la voix de corbeau qui rythmait leurs jours.

Fatma qui s’attendait à gérer un restaurant touristique, se retrouve déçue de sa nouvelle expérience mais continue tout de même, déterminée à voir la situation de son couple s’améliorer. Elle devra gérer sa nouvelle vie et cette menace implicite de cette jeune fille au comportement bizarre, -un rôle joué par Boutheina Hemissi qui fait sa première apparition au cinéma-, et que le couple aura embauchée sous recommandation d’un ex compagnon de cellule de son mari.

La lenteur de la vie dans le désert est rythmée par des notes de musique qui accentuent la lourdeur de l’espace et l’horizon à perte de vue mais qui n’offre aucune possibilité d’avancer, sauf en ce remettant aux caprices d’un dénicheur de trésors déguisé en charlatan.

Une fois arrivée au désert, les rêves d’une vie meilleure se transforment en une quête des trésors entre Ibrahim et Mokhtar (Abdelmonem Chwayet), un sorcier à la recherche de trésors enfouis sous terre. «Il circule souvent durant la sieste comme un corbeau» disait Fatma à son mari qui lui répondait, «comme le démon de la sieste». Moez Kamoun introduit le spectateur dans le monde ténébreux et mystérieux du charlatanisme d’un Mokhtar, en Djebba, arpentant le désert, sous un soleil de plomb, menu d’un parapluie noir et marchant à pas saccadés.

Dans la pénombre de la chambre de Mokhtar, un caméléon gris garde les lieux avec ses yeux qui tournaient dans tous les sens, des bougies illuminent la nuit et des outils aussi bizarres que ce charlatan qui n’aime se nourrir que de viande: cœur et foie. Cet homme vicieux qui collectionnait les sous-vêtements de femmes qu’il achète chez un couturier, prétend être capable de réaliser le vœu du couple désireux d’avoir un enfant.

Le trésor déniché mais le périple prend fin par le départ du couple après avoir découvert les mensonges et le caractère vicieux de ce charlatan, «le corbeau de la sieste». On le voyait mourir sous les roches de la cave du trésor mais qui réussit à se réinventer une nouvelle vie, arpentant les dunes du désert avec son allure habituelle

Fort d’une expérience dans le cinéma qui remonte aux années 1988, Moez Kamoun, réalisateur, producteur et scénariste fait son come-back au cinéma, après trois autres longs-métrages, «Parole d’hommes» (2004), « Pale reflection » (2015) et « Fin décembre » (2010), un film qui lui a valu plusieurs distinctions dans des festivals internationaux.

Ses récents films portent souvent cette quête de l’aventure qu’il semble hériter de ses nombreuses collaborations nationales et internationale, en tant qu’assistant réalisateur et directeur de production. Le réalisateur explore le désert, ce lieu de tournage de célèbres films étrangers dans lesquels il a collaboré, comme « Le Patient Anglais » d’Anthony Minghella et « Star Wars », Episode 1 et 2, de Georges Lucas. Une bonne partie de ces films avait été tournée dans le désert du Sud tunisien, entre Tataouine, Tozeur et Djerba.

 Entourée par une solide équipe technique, Moez Kammoun a réussi à présenter une belle œuvre cinématographique, dans des décors réalisés par Mounir Zhani et une musique du duo Helena Dorbic et Melik Khelifa. Le casting du film réunit trois des meilleurs acteurs sur la scène nationale, sauf que pour le personnage principal, le réalisateur semble avoir un peu misé sur le côté séducteur que sur le jeu d’actrice chez Souhir Ben Amara, ayant déjà présenté des rôles secondaires beaucoup plus convaincants, notamment, au petit écran.

Dans la note de présentation, Kamoun parle d’une «aventure à tous les niveaux, du début jusqu’à la fin». Mais le scénario qui a bien démarré avec cette volonté d’injecter un peu de suspense n’a pas abouti jusqu’à la fin du film. La tournure des évènements dans cette fiction n’a pu répondre aux attentes de certains de ses premiers spectateurs qui ont quitté la salle en huant.

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